"Quelques jours après, le Roi était chez la Reine à l'heure du cercle; l'on parla des horoscopes et des prédictions. Les opinions étaient partagées sur la croyance que l'on y devait donner. La Reine y ajoutait beaucoup de foi ; elle soutint qu'après tant de choses qui avaient été prédites, et que l'on avait vu arriver, on ne pouvait douter qu'il n'y eût quelque certitude dans cette science. D'autres soutenaient que, parmi le nombre infini de prédictions, le peu qui se trouvaient véritables faisait bien voir que ce n'était qu'un effet du hasard.
"J'ai eu autrefois beaucoup de curiosité pour l'avenir, dit le Roi; mais on m'a dit tant de choses fausses et si peu vraisemblables que je suis demeuré convaincu que l'on ne peut rien savoir de véritable. Il y a quelques années qu'il vint ici un homme d'une grande réputation dans l'astrologie. Tout le monde l'alla voir ; j'y allai comme les autres, mais sans lui dire qui j'étais, et je menai Monsieur de Guise et d'Escars; je les fis passer les premiers. L'astrologue néanmoins s'adressa d'abord à moi, comme s'il m'eût jugé le maître des autres. Peut-être qu'il me connaissait; cependant il me dit une chose qui ne me convenait pas s'il m'eût connu. Il me prédit que je serais tué en duel. Il dit ensuite à Monsieur de Guise qu'il serait tué par-derrière et à D'Escars qu'il aurait la tête cassée d'un coup de pied de cheval. Monsieur de Guise s'offensa quasi de cette prédiction, comme si on l'eût accusé de devoir fuir. D'Escars ne fut guère satisfait de trouver qu'il devait finir par un accident si malheureux. Enfin nous sortîmes tous très mal contents de l'astrologue. Je ne sais ce qui arrivera à Monsieur de Guise et D'Escars; mais il n'y a guère d'apparence que je sois tué en duel. Nous venons de faire la paix, le Roi d'Espagne et moi ; et quand nous ne l'aurions pas faite, je doute que nous nous battions, et que je le fisse appeler comme le Roi mon père fit appeler Charles Quint"
La Princesse de Clèves, deuxième partie.
"J'ai eu autrefois beaucoup de curiosité pour l'avenir, dit le Roi; mais on m'a dit tant de choses fausses et si peu vraisemblables que je suis demeuré convaincu que l'on ne peut rien savoir de véritable. Il y a quelques années qu'il vint ici un homme d'une grande réputation dans l'astrologie. Tout le monde l'alla voir ; j'y allai comme les autres, mais sans lui dire qui j'étais, et je menai Monsieur de Guise et d'Escars; je les fis passer les premiers. L'astrologue néanmoins s'adressa d'abord à moi, comme s'il m'eût jugé le maître des autres. Peut-être qu'il me connaissait; cependant il me dit une chose qui ne me convenait pas s'il m'eût connu. Il me prédit que je serais tué en duel. Il dit ensuite à Monsieur de Guise qu'il serait tué par-derrière et à D'Escars qu'il aurait la tête cassée d'un coup de pied de cheval. Monsieur de Guise s'offensa quasi de cette prédiction, comme si on l'eût accusé de devoir fuir. D'Escars ne fut guère satisfait de trouver qu'il devait finir par un accident si malheureux. Enfin nous sortîmes tous très mal contents de l'astrologue. Je ne sais ce qui arrivera à Monsieur de Guise et D'Escars; mais il n'y a guère d'apparence que je sois tué en duel. Nous venons de faire la paix, le Roi d'Espagne et moi ; et quand nous ne l'aurions pas faite, je doute que nous nous battions, et que je le fisse appeler comme le Roi mon père fit appeler Charles Quint"
La Princesse de Clèves, deuxième partie.
"Algunos días después, estaba en las habitaciones de la reina, a la hora del círculo; se habló de horóscopos y predicciones. Las opiniones estaban divididas sobre el crédito que se les debía dar. La reina les prestaba mucha fe; sostuvo que, después de tantas cosas como habían sido predichas y que se había visto acontecer, no se podía dudar de que alguna certidumbre había en esa ciencia. Otros sostenían que, entre el número infinito de predicciones, las pocas que resultaban ciertas eran sólo efecto de la casualidad.
"Yo tuve en un tiempo -dijo el rey, -mucha curiosidad sobre el porvenir; pero se me dijeron tantas cosas falsas y tan pocas verosímiles, que me convencí de que no se puede saber nada exacto. Hace años vino aquí un hombre de gran reputación en astrología. Todo el mundo fue a verlo. Yo fui como los demás, pero sin decirle quién era, y llevé conmigo a los señores de Guisa y Descars; los hice pasar primero. El astrólogo, sin embargo, se dirigió primero a mí, como si me hubiera juzgado el señor de los otros dos; quizás me reconociera; sin embargo,me dijo una cosa desacertada si es que, en efecto,me conoció. Me predijo que sería muerto en duelo. Le dijo en seguida al señor de Guisa que sería muerto por la espalda, y a Descars que un caballo le partiría la cabeza de una coz. El señor de Guisa casi se ofendió con la predicción como si lo hubiera acusado de que iba a huir. Descars no quedó satisfecho de decírsele que iba a concluir en un accidente tan desgraciado. En fin, los tres nos retiramos muy descontentos de casa del astrólogo. No sé lo que les sucederá al señor de Guisa y a Descars; pero no me parece creíble que yo muera en un duelo. Acabamos de hacer la paz el rey de España y yo; y aunque no la hubiésemos hecho, dudo de que nos batiéramos, y de que yo le desafiase, como el rey mi padre desafió a Carlos V".
La Princesa de Clèves, segunda parte.